Un résident français qui hérite d’un bien situé en Espagne risque d’être imposé deux fois, en l’absence d’une convention spécifique entre les deux pays pour les successions. Les règles fiscales nationales s’appliquent alors en parallèle, créant une situation complexe, où chaque administration revendique sa part.
Les différences de traitement fiscal selon la résidence du défunt, de l’héritier et la localisation du patrimoine ajoutent à la confusion. Certaines exonérations prévues par la loi espagnole, comme celles applicables dans certaines régions, échappent souvent à l’attention et peuvent pourtant réduire considérablement la charge fiscale globale.
Double imposition France-Espagne : un enjeu majeur pour les expatriés français
La double imposition s’impose comme un véritable casse-tête pour de nombreux expatriés français installés en Espagne. Chaque année, ils sont nombreux à se heurter à la complexité du droit fiscal international : comment leurs revenus, leur patrimoine ou leur succession peuvent-ils échapper à une taxation simultanée de part et d’autre des Pyrénées ?
La convention fiscale France-Espagne, signée en 1995 et entrée en vigueur en 1997, a été conçue précisément pour répondre à ce défi. Ce texte répartit les compétences fiscales entre les deux pays et met en place des solutions concrètes pour éviter la double imposition : crédit d’impôt, exonération dans l’État de résidence, règles d’attribution claires. Inspirée du modèle OCDE, elle pose des fondations solides :
- Le pays de résidence fiscale taxe l’ensemble des revenus mondiaux du contribuable, selon sa propre réglementation.
- Le pays de source (là où le revenu est généré) peut aussi imposer, mais cette imposition est souvent plafonnée ou compensée par un crédit d’impôt.
Toute la mécanique de la fiscalité franco-espagnole s’organise autour de cette convention. Lorsque la résidence fiscale est contestée, plusieurs critères tranchent : lieu de logement principal, centre d’intérêts économiques, durée de séjour, nationalité. Et si le flou persiste, la procédure amiable prévue par le texte permet d’arbitrer.
Les règles nationales apportent des spécificités supplémentaires : exonérations locales, taux particuliers, crédits d’impôt propres à chaque pays. Naviguer dans cet ensemble de règles demande une réelle maîtrise du droit fiscal et de la fiscalité internationale. Pour les expatriés, comprendre ces mécanismes protège leurs placements et garantit la tranquillité de leurs transmissions patrimoniales.
Quels sont les accords et règles qui encadrent la fiscalité des successions entre les deux pays ?
La fiscalité des successions entre la France et l’Espagne possède une particularité de taille : il n’existe pas de convention bilatérale spécifique sur ce sujet, contrairement à la fiscalité des revenus ou de la fortune. Quand une succession implique un résident ou un bien de l’un des deux pays, c’est donc le droit national de chaque État qui s’applique, en plus des principes du droit international privé.
Un défunt domicilié en France entraînera l’imposition, par la France, de l’ensemble de son patrimoine, qu’il soit en France ou à l’étranger. L’Espagne, de son côté, applique l’impôt sur les successions à tout bien situé sur son territoire, et, pour ses résidents, sur le patrimoine mondial. Résultat : les héritiers peuvent facilement se retrouver face à une double imposition, notamment en cas de bien immobilier espagnol ou d’héritiers dispersés entre les deux pays.
Face à cela, un outil concret existe : le crédit d’impôt du code général des impôts français, qui permet de déduire de l’impôt français la part déjà réglée en Espagne, dans la limite de l’impôt effectivement acquitté à l’étranger pour la même succession. Côté espagnol, certaines régions accordent aussi des déductions pour limiter les effets de cumul, selon la localisation du bien et la situation de l’héritier.
Pour s’y retrouver, il faut naviguer dans un ensemble de règles disparates : chaque pays applique ses propres taux, abattements, formalités et délais. Une analyse précise de chaque dossier s’impose pour mobiliser efficacement le crédit d’impôt et réduire la charge liée à la double imposition sur les successions.
Régimes fiscaux en Espagne : comprendre la loi Beckham et les spécificités pour les Français
La loi Beckham, adoptée en 2005, cible les salariés étrangers, hauts cadres et sportifs professionnels venus s’installer en Espagne. Ce régime spécial leur permet, sous conditions, de bénéficier d’une imposition forfaitaire à 24 % sur leurs seuls revenus de source espagnole, jusqu’à 600 000 euros par an, et cela pour une durée pouvant aller jusqu’à six ans. Les revenus perçus hors d’Espagne ne sont donc pas concernés, ce qui attire chaque année de nombreux nouveaux résidents. Les Français peuvent profiter de ce régime s’ils n’ont pas été fiscalement résidents en Espagne dans les cinq années précédentes et exercent effectivement une activité professionnelle sur place.
Au-delà de la loi Beckham, la résidence fiscale s’évalue à l’aune de critères précis : présence physique en Espagne plus de 183 jours par an, lieu d’habitation principale ou centre des intérêts économiques. Ceux qui ne remplissent pas ces conditions sont considérés comme non-résidents et soumis à l’impôt sur le revenu des non-résidents (IRNR) : 19 % pour les citoyens de l’Union européenne sur les loyers ou revenus de source espagnole, sans avoir droit aux mêmes déductions que les résidents. L’investissement locatif, très populaire parmi les Français, impose d’utiliser le modèle 210 pour déclarer les revenus, même en l’absence de locataire.
Tous les propriétaires, résidents ou non, doivent s’acquitter de l’IBI, l’impôt foncier local. Les plus-values réalisées lors de la vente d’un bien immobilier sont imposées selon un barème progressif. Pour la location touristique, le modèle 179 peut s’avérer obligatoire, et certaines régions exigent des démarches ou licences spécifiques. Aucune procédure n’est envisageable sans un NIE (numéro d’identification d’étranger). Attention aux retards de déclaration : ils entraînent des pénalités qui peuvent rapidement alourdir la note. En résumé, chaque type de revenu ou de situation possède ses propres règles et obligations déclaratives ; il est impératif de bien les identifier avant de s’installer ou d’investir.
Anticiper et optimiser sa situation : conseils pratiques pour éviter la double imposition sur vos biens et successions
Pour limiter les effets de la double imposition France-Espagne, l’anticipation s’impose. Avant toute acquisition ou transmission de patrimoine, vérifiez avec précision votre statut de résident fiscal : présence de plus de 183 jours par an en Espagne ? Centre des intérêts économiques sur place ? Ce critère détermine quelle administration fiscale sera compétente et comment la convention fiscale France-Espagne s’appliquera.
La convention de 1995 prévoit les outils nécessaires : crédit d’impôt pour neutraliser l’impôt acquitté dans l’autre pays, ou exonération partielle selon la nature du revenu. Un bien immobilier situé en Espagne relève de l’impôt espagnol, mais doit également être déclaré en France : la convention permet alors de bénéficier d’un crédit d’impôt équivalent à l’impôt versé en Espagne. Pour les dividendes et intérêts, il est vivement recommandé de vérifier le taux de retenue à la source et de fournir, si besoin, une attestation de résidence afin d’éviter toute ponction excessive.
Voici les réflexes à adopter pour rester en règle et optimiser sa fiscalité :
- Déclarez systématiquement vos revenus immobiliers via le modèle 210 auprès de l’administration espagnole.
- Pensez à faire valoir le crédit d’impôt lors de votre déclaration française pour chaque revenu déjà imposé en Espagne.
- N’hésitez pas à solliciter un expert fiscal franco-espagnol. Des cabinets spécialisés comme Delaguia & Luzon ou ARA Global Asesoria accompagnent les expatriés à chaque étape : structuration, conformité, prévention des litiges.
En matière de succession, la vigilance doit être maximale : la France taxe selon la résidence du défunt ou de l’héritier ; l’Espagne, selon la localisation du bien. Les dispositifs d’exonération et les mécanismes conventionnels limitent la double imposition, mais une coordination rigoureuse des déclarations reste indispensable. Préparer chaque transmission, obtenir un diagnostic personnalisé et placer la conformité fiscale au cœur de sa stratégie, voilà la meilleure assurance pour protéger son patrimoine de part et d’autre des Pyrénées.
Entre la France et l’Espagne, la frontière fiscale ne se franchit pas à la légère. Pour ceux qui s’y préparent avec méthode, la double imposition cesse d’être une fatalité et laisse la place à une gestion sereine du patrimoine international.


